21 Avr 2022
Éric Marcéus
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La Gonâve l’île magique !!! Histoire démographique
Contrairement à ceux-là qui prétendent que La Gonâve commence à être habitée après le massacre de la dernière reine taïno, Anacaona en 1505, par le chef espagnol Nicolas Ovando, les données archéologiques affirment que la Gonâve est habitée depuis 1000 ans avant Jésus-Christ. Tandis que, la littérature orale Gonâvienne, à travers le dicton ‘’La Gonâve, l’ȋle magique’’ il est prouvé que l’ile est habitée depuis la nuit des temps. Au Parc fut un grand village amérindien de culture précéramique[1]. La Gonâve fut habitée d’abord par les Ciboneys dont leurs vestiges ont été découverts vers les années 1940 par l’ethnologue haïtien Jacques Roumain qui avait séjourné à la Gonâve et qui avait emmené à Port-au-Prince, un crâne de Ciboney associé à trois couteaux de silex trouvés dans une grotte à Picmy[2]. Il a découvert aussi deux sites Taïnos très importants dans l’ȋle. L’ile de la Gonâve fut le foyerd’artistes dans le royaume du Xaragua. Cela voudrait bien dire que l’ȋle Guanabo eut une population très dense pendant la gouvernance des caciques Bohecio et sa sœur, la reine Anacaona. D’ailleurs, la reine Anacaona visita souvent la Gonâve. Elle habita pendant son séjour dans une grotte à Picmy et elle se baigna dans la rivière de ce lieu. La grotte porte le nom de Grotte Anacaona. Les Gonâviens disent que c’est la reine Anacaona qui eut donné à ce lieu son nom. Les habitants de Picmy croient jusqu’à date que la grotte contient encore les trésors de la reine. Après la mort de la reine Anacaona à Yaguana (Léogâne, capitale de son royaume), sa cour royale se refugia à la vaste ȋle Guanabo. Les Espagnols les poursuivirent mais se heurtèrent contre une grande résistance[3] et finirent par les tuer et ramener certains dans la Grande île dans l’esclavage. Ce serait la première grande vague migratoire vers l’ile Guanabo. La légende dit que les Amérindiens de Yaguana, emportèrent dans leurs boumbas (canots), la richesse de la reine qu’on dit être enterrée dans la grotte de Picmy.
Pendant la colonisation française, La Gonâve servit de lieu de refuge aux esclaves qui fuirent la servitude. Il manqua de bois dans la colonie de St-Domingue, et la France eut l’idée d’aller en prendre à la Gonâve. Le roi Louis XV a colonisé la Gonâve entièrement en y établissant des Français qui y exploitèrent du bois et en y cultivant du coton, du sisal et du café. Le roi Louis XVI décréta la Gonâve ‘’réserve de bois de l’atelier du roi’’ et y envoya une vingtaine d’ouvriers de son atelier pour en exploiter pour la construction des maisons et des châteaux, pour le chauffage et la construction des navires. Les traces de la colonisation Française s’effacent avec les guerres des esclaves pour la liberté et l’indépendance (notes des archives coloniales).
Au début de 1793, dans les dernières cargaisons d’esclaves dit-on, les Congos y étaient en grand nombre, qui dès leur arrivée à St-Domingue, gagnèrent les montagnes. Beaucoup d’entre eux allèrent se cacher à la Gonâve.
Les premiers gouvernements Haïtiens ne faisaient presque pas cas de l’île. Le président Jean-Pierre Boyer (1818-1843) pensa à promouvoir la Gonâve de la culture et de l’élevage, fit diriger quelques migrants nègres Anglais de la Jamaïque vers les ports de la Gonâve[4].
Au milieu du 19ème siècle, des pêcheurs de la Grande Terre ont dû s’installer pour pêcher, puis, trouvant une terre fertile, ils la cultivèrent. Ils n’y résidèrent que la moitié de l’année pour surveiller les récoltes et retournèrent à la Grande Terre l’autre moitié de l’année et finirent par s’y établirent définitivement. Ces pêcheurs vinrent des bourgs qui regardent la Gonâve, tels que : Petit-Trou de Nippes, Miragoâne, Petit-Goâve, Grand-Goâve, Léogâne, Arcahaie, St-Marc et Gonaïves.
Pendant les troubles politiques de 1905-1915, la Gonâve servait de lieu de refuge à cette catégorie de gens peu recommandables a dit Père Euzen : vagcarte la gonaveabonds, voleurs, repris de justice, déserteurs etc. C’était un endroit idéal pour échapper à toute poursuite[5].
Après le passage d’un cyclone en 1915 qui avait ravagé la presqu’ile du sud et après une sécheresse persistante, beaucoup de cultivateurs de Sal-Trou (Belle-Anse), de Jacmel, de la Vallée de Jacmel, de Bainet, et des Nippes se dirigèrent vers la Gonâve pour y trouver une terre plus favorable et moins exposée aux vents.
Le président Estimé, pour fêter les 200 ans de la naissance de la ville de Port-au-Prince en 1949, débarrassa la capitale de tous ses ‘’vauriens’’, construisit un asile à Anse-à-Galets (la capitale de la Gonâve) pour les envoyer.
Après le passage des cyclones Azèle, Flora et Inès respectivement en 1954, 1963 et 1966, qui avaient frappés à nouveau la péninsule du sud d’Haïti, les agriculteurs de Jacmel, de La Vallée, de Bainet, de Morne-à-Brulé, de Côte –de- Fer , d’Aquin et des Nippes émigrent vers la Gonâve.
Aujourd’hui encore, des pêcheurs viennent de toutes les côtes qui regardent la Gonâve pour pêcher avec les pêcheurs gonâviens pendant les saisons de grandes pêches et finissent par s’y établir à demeure.
D’après le recensement de l’Institut des Statistiques et d’Informatique (IHSI) publié en 2009, la population gonâvienne serait chiffrée à 79.188 habitants. Pourtant, elle peut-être évaluée en 2015 à environ 150.000 habitants sur l’ȋle, sans compter les Gonâviens qui vivent dans la Grande Ȋle d’Haiti et ceux qui vivent partout à travers le monde (Etats-Unis, Canada, France, les Antilles, le Brésil, Amérique Latine en général, etc. Les Gonâviens réunis avec leurs familles pourraient former aujourd’hui une population d’environ un million d’habitants.
Quelques grandes dates dans l’histoire de la Gonâve
En 1860, le président Geffrard donna la Gonâve en concession à son ancien secrétaire d’Ėtat de l’économie, monsieur Auguste Elie, qui, par faute d’infrastructure, n’exploita que les littoraux d’Anse-à-Galets.
Le 21 mai 1888, président Salomon fit ériger la Gonâve en Quartier dépendant de la Commune de Port-au-Prince (Le Moniteur haïtien du 3 juin 1888) ; En novembre 1890, le président Florvil Hyppolite envoya une commission chargée de tracer une ville à la Gonâve, dont Anse-à-Galets a été choisie parce qu’elle possède une source d’eau (Tête Source) qui servait d’abreuvoir, de baignoire, de lavoir et qui procurait de l’eau potable. Mais aussi pour sa baie (l’anse des galets), le meilleur port de mouillage de cette ȋle. Cette anse fait 1000 mètres de largeur et peut recevoir des bateaux de très forts tonnages. La population gonâvienne comptait à ce moment environ 3.000 âmes.
En août 1890, le président Hyppolite concède la Gonâve à ces citoyens haïtiens : messieurs Nord Alexis, Dr. Aubry et B. Rivière pour un capital de 600.000 dollars or et pour une durée de 60 ans (1890 à 1950). Le contrat a été résilié en 1917 pendant l’occupation américaine et l’Etat haïtien établit ses séquestres pour toucher les fermes entre les mains des paysans.
La loi du 30 mai 1924 érigea la Gonâve en commune de 5ème classe, dépendant de l’Arrondissement de Port-au-Prince (Moniteur Haïtien, 5 juin 1924) et la divisa en 11 sections communales. Ce statut a été donné à la Gonâve à cause de l’ouverture du Canal de Panama en 1914. Parce que la Gonâve, par sa position géographique, attirerait les regards par les fréquents bateaux qui passaient dans ses rades.
En août 1976, le président Jean-Claude Duvalier érigea la Gonâve en arrondissement dépendant du département de l’ouest. Ses deux quartiers deviennent deux communes, Anse-à-Galets et Pointe-à-Raquettes (Moniteur 7 oct. 1976).
La Gonâve n’a pas connu de trop grands événements politiques. Certaines batailles politiques ont eu lieu dans les mers Gonâviennes. Sauf qu’en 1884, pendant la grande guerre politique haïtienne entre le Parti Libéral et le Parti National, les Libéraux ont été se cacher à la Gonâve pour ne pas être découverts et poursuivis par les Nationaux.
La Gonâve religieuse
Sur le plan religieux, les Amérindiens qui habitèrent l’ile pratiquèrent leur culte animiste, les Africains, le culte du vodou. L’église catholique visita l’ȋle pour la première fois en 1887. A partir de 1914, l’église protestante avait fait son apparition aussi. Aujourd’hui, presque tous les cultes y sont représentés (vodou, catholiques et protestants). Les Mahométans sont absents à la Gonâve.
Les difficultés auxquelles l’île est confrontée aujourd’hui
La Gonâve fait face aujourd’hui à de grands défis auxquels elle doit coûte que coûte faire face. Sur le plan infrastructurel, l’ȋle est vierge et ceci depuis toujours. Elle n’a presque pas de route, même sa capitale ne possède pas plus que 2 km de routes asphaltées. Toutes les autres sont en terre battue. L’eau reste un grand besoin pour la commune de Pointe-à-Raquettes qui ne possède pas de rivière. Cependant, elle possède des nappes d’eaux souterraines mais non exploitées. Les deux villes principales de la Gonâve (Anse-à-Galets et Pointe-à-Raquettes) possèdent chacune un groupe électrogène qui les alimente en courant électrique pendant 6 heures par jour. Celui de Pointe-à-Raquette est tombé en panne depuis plusieurs mois.
L’ȋle confronte aussi à de graves problèmes d’urbanisme. Malgré le tracé de la capitale de la Gonâve, le plan n’a jamais été appliqué. Les maisons sont construites cahin caha et beaucoup, sans aucune condition hygiénique.
Le déboisement est le plus grand fléau qui ravage l’ȋle de la Gonâve aujourd’hui. Cette ȋle qui fut considérée au début du 20ème siècle comme le Jardin d’Eden et comme une ȋle–jardin en raison de sa verdure, est devenue aujourd’hui une ȋle très dénudée. La Gonâve commence à être déboisée avec les Français, puis par l’Etat haïtien. Elle était devenue aussi la réserve de bois de l’Etat haïtien. Mais à partir de la décennie de 1970, le charbon de bois est devenu très prisé dans l’ȋle et ses habitants ont abattu presque tous ses arbres.
Les ressources naturelles, culturelles et patrimoniales de la Gonâve
La Gonâve est appelée l’île magique par ses habitants pour sa beauté naturelle et parce qu’on croit aussi qu’elle est mystérieuse. Elle a une potentialité énorme à être touristifiée. La Gonâve est un joyau de la région caraïbéenne et pourrait devenir l’un des plus hauts lieux touristiques de cette région. C’est une ȋle qui hante par sa grâce naturelle.
Malgré le déboisement, elle possède d’innombrables richesses écologiques. Elle est la deuxième île des Antilles à être riche en Mangroves, après les Bahamas. Les mangroves de la Gonâve constituent un grand musée marin et sous-marin qui conserve des espaces aquatiques depuis des millions d’années.
L’île possède des mines de pétrole, de bauxite, de craie et de sel ; des lagunes et lagons remplis de flamants rose et d’aigrettes ; des oiseaux tropicaux ; des chats sauvages etc.
La Gonâve contient une vingtaine de grottes de valeurs historiques et culturelles importantes. Ces cavernes sont appelées ‘’trous indiens’’ par les Gonâviens. Elles servaient de logis et de lieux de sépulture pour les Amérindiens ; de lieux de culte et de vénération pour les Gonâviens vodouisants. Car pour eux, elles sont habitées par des bons esprits. Mais des lieux où habitent les mauvais esprits pour les Gonâviens protestants. Jamais on ne visite une grotte à la Gonâve pour ne pas y trouver des objets du culte du vodou. Mais elles pourraient posséder aussi beaucoup de vestiges Amérindiens jusqu’à date.
L’ile renferme une seule chaine de montagne, le Morne Pointe-à-Raquettes dont ses sommets sont splendides, tels que : le sommet Chien Content, le Morne Lapierre et le sommet de Pointe-à-Raquettes.
Le paysage Gonâvien n’est marqué par aucun patrimoine matériel. Aucune statue érigée, aucun reste d’industrie, pas d’architecture coloniale ni de patrimoine militaire (fort), mais des cases clissées qui rappellent celles des esclaves africains et quelques rares ajoupas (maison de forme pyramidale) qui sont des héritages architecturaux des Amérindiens. Mais l’ȋle est riche en patrimoine naturel et culturel immatériel.
La culture amérindienne est encore très vivante à la Gonâve. Sur le plan alimentaire, les Gonâviens préparent encore des plats Amérindiens. Mais aussi elle possède un patrimoine alimentaire métissé par la culture espagnole, anglaise, française, africaine et même américaine. Ils fabriquent des canots de pêche faits d’un tronc d’arbre creusé. Mais aussi des hamacs, des sacs à dos, de matériels de couchage, des poteries, etc. qui sont des héritages amérindiens.
Les plages de la Gonâve sont incomparables par leur beauté, leur sable blanc et de la cristallinité de l’eau de la mer.
L’ȋle de la Gonâve fut connue pour ses coopératives agricoles et d’entraide ‘’Les sociétés Congo’’, quand en 1926, pendant l’occupation américaine d’Haïti, la reine des reines de Bois-Noir (Nan Café) Timèmène avait couronné le commandant américain qui dirigeait la Gonâve Faustin E. Wirkus, roi de cette ȋle et roi des sociétés Congo. Alors que la coutume c’était d’élire une reine à leur tête mais jamais de roi. Une histoire qui avait fasciné l’humanité vers la décennie de 1930, quand le roi lui-même avait fait éditer son autobiographie titrée ‘’ The white king of la Gonâve’’ traduite en Français ‘’ Le roi blanc de la Gonâve’’.
La Gonâve l’ȋle magique !!!
Cet article annonce la sortie du livre « La Gonâve l’île magique, l’île des sociétés Congo » par le même auteur
Auteur: Jeanne Laure Rosemé,
Educatrice, psychologue et ingénieure culturelle
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